Après plusieurs « Learning Expeditions » en Asie du Sud-Est, à Hong Kong et Taiwan, Alhambra International a étendu son analyse à l’ensemble de la Chine et notamment à la Chine continentale. Ce voyage a révélé les forces, les stratégies et les défis de cet acteur clé de l’économie mondiale.

Une puissance industrielle impressionnante

En 30 ans, la Chine a bâti la première industrie mondiale, dominée par des secteurs tels que l’énergie, la chimie, la pharmacie, l’automobile et les matières premières. Elle se distingue particulièrement par sa maîtrise complète de la chaîne de valeur dans l’automobile : extraction et transformation des minerais, fabrication et recyclage des batteries, jusqu’à la production finale des véhicules et des systèmes de recharge.

Cette maîtrise contraste avec les difficultés des acteurs européens, comme illustré par la récente déroute de Northvolt. Les initiatives européennes, telles qu’ACC, Verkor ou PowerCo, progressent mais doivent encore relever le défi de la compétitivité face à des concurrents chinois, coréens ou américains. Les constructeurs européens subissent également la concurrence des marques chinoises (BYD, Great Wall, MG), qui offrent des véhicules électriques de qualité à des prix très compétitifs.

Un tissu économique diversifié

La Chine compte des entreprises mondiales dans l’énergie, la technologie et l’automobile. Dans des secteurs comme la chimie et les biens d’équipement, ce sont plutôt des PME et ETI en croissance face à des géants européens tels que BASF, BAYER, SIEMENS, ABB ou SCHNEIDER. Cette diversité de PME /ETI constitue un levier de croissance à l’export et sur l’immense marché intérieur.

Une réorientation vers le Sud Global

La Chine renforce ses partenariats avec les BRICS et d’autres nations émergentes, notamment en Amérique latine, Afrique et Asie. Des projets comme le développement du port de Chancay au Pérou, intégré aux nouvelles routes de la soie, illustrent cette stratégie. Par ailleurs, ses relations commerciales avec la Russie se sont intensifiées, alors que ces dynamiques de développement restent impossibles pour l’Europe dans le contexte du conflit en Ukraine.

Investissements massifs en R&D

La Chine investit fortement dans l’innovation. Shenzhen et Pékin figurent parmi les pôles technologiques les plus avancés, avec des dépenses de R&D représentant 6,5 à 6,7 % de leur PIB local. Les grands groupes technologiques comme Huawei et Tencent dominent ce paysage, tandis que les entreprises publiques injectent annuellement plus de 1 000 milliards de yuans en R&D.

À l’échelle nationale, les dépenses de la Chine rivalisent avec celles de l’Europe (2,5 % du PIB), même si elles restent inférieures à celles des États-Unis (3,5 %). Par ailleurs, des innovations locales comme l’application Doubao, développée par ByteDance, montrent la capacité de la Chine à s’imposer sur des marchés émergents tels que l’intelligence artificielle. Tencent et Alibaba sont aussi présents avec des applications d’IA générative, respectivement Hunyan et Qwen2, en s’appuyant sur leurs propres infrastructures cloud très robustes.

Le rôle de Hong Kong et de Taiwan

Hong Kong demeure un hub entre la Chine et le reste du monde, avec une place forte en introductions en bourse (plus de 2500 sociétés cotées), Private Equity, Venture Capital avec plus de 4500 startups actives dans la fintech, l’e-commerce, les biotech l’intelligence artificielle, et les technologies vertes. Des initiatives comme Cyberport et le Hong Kong Science and Technology Parks Corporation (HKSTP) contribuent à développer cet écosystème en offrant des financements, des incubateurs et des infrastructures de soutien, comme en Europe et aux Etats-Unis.

Taiwan, de son côté, reste un leader mondial dans le hardware et les semi-conducteurs, concentrant la production de ces technologies critiques, notamment des semi-conducteurs avancés bien que les brevets soient majoritairement déposés aux États-Unis.

Conclusion et recommandations

Dans le contexte de tensions commerciales croissantes, marquées par une hausse des droits de douane européens et américains, il est essentiel pour l’Europe de définir une stratégie pragmatique et équilibrée face à la Chine :

  • Renforcer l’industrie européenne : Investir massivement dans la R&D, soutenir l’innovation et accompagner les acteurs industriels dans des productions à forte valeur ajoutée.
  • Promouvoir des échanges équilibrés : Favoriser des accords basés sur la réciprocité tout en imposant des transferts technologiques lors de l’implantation d’acteurs chinois en Europe.
  • Privilégier la négociation : La Chine, pragmatique, comprend le langage de la coopération. Maintenir un dialogue constructif est essentiel pour préserver de bonnes relations économiques et diplomatiques.

En conclusion, il est crucial de trouver un équilibre entre fermeté et collaboration avec la Chine, tout en consolidant les partenariats stratégiques avec d’autres régions du monde, notamment les États-Unis. Une telle approche permettra à l’Europe de renforcer sa compétitivité industrielle et technologique à long terme.

Pierre MAURIN

Senior Partner

ALHAMBRA INTERNATIONAL