Au cours des derniers mois, le thème du “futur du travail” a resurgi. Il faut dire que la crise sanitaire que nous vivons actuellement a davantage contribué au changement des pratiques de travail que dix ans de plans bien préparés.
Face à ces changements majeurs, nous avons choisi de partager et témoigner sur la vision optimiste de Satya Nadella, PDG de Microsoft*.
Une partie de l’opinion publique craint que la révolution à venir de l’Intelligence artificielle (IA) et de la robotique ne prenne les emplois des gens. S’exprimant lors du congrès MIT AI et Work of the Future*, le PDG de Microsoft a envisagé un avenir proche « où les emplois seraient plutôt enrichis par de la productivité ».
Pour lui, l’informatique est intégrée dans le monde réel : dans une usine de production, dans un commerce de détail, dans un hôpital, dans une ferme… « Désormais, nous allons au-delà du travail de connaissance pour aider les personnes qui sont sur le chantier, dans la gestion des soins dans les hôpitaux, dans les usines de production, à participer à la réalisation de travaux numérisés ». Et avec ces emplois à valeur ajoutée, les salaires seront susceptibles d’augmenter.
Lors d’une discussion approfondie avec l’économiste du MIT, David Autor, Satya Nadella a déclaré qu’il était optimiste sur le potentiel de ce qu’il appelle la « petite IA », en l’occurrence comment la technologie peut être démocratisée pour rendre les travailleurs plus autonomes et comment il envisage le travail à distance maintenant et après la pandémie.
Pour lui, l’automatisation ne conduira probablement pas à une crise dans laquelle la plupart des travailleurs sont remplacés par des robots. Néanmoins, il est nécessaire de créer davantage de prospérité partagée et d’améliorer la qualité des emplois pour les travailleurs à revenu faible et intermédiaire.
Démocratiser l’expertise et autonomiser les travailleurs
La technologie peut remplacer les travailleurs et supprimer des emplois, mais elle crée également de nouvelles opportunités. Selon le rapport Work of the Future, 63% des emplois de 2018 n’existaient pas en 1940. « Les STEM (Sciences, Technologies, Ingénierie et Mathématiques) sont d’une grande importance sur le marché du travail, mais cela ne signifie pas que tout le monde ait besoin d’un master en informatique pour avoir un emploi » indique Satya Nadella. L’objectif est plutôt d’aller dans l’autres sens qui est d’utiliser l’expertise et de la démocratiser pour assurer la productivité d’un collaborateur. Je partage cet avis et pense également que c’est le sujet majeur pour faire de nos politiques en matière d’emploi des succès.
Satya Nadella a cité l’exemple d’une personne nouvellement employée dans une usine automobile de l’Ohio, capable d’apprendre son travail de manière holographique auprès d’un ingénieur à distance grâce à des technologies comme la réalité augmentée et virtuelle. « L’expert est à distance, mais il peut transférer facilement ses connaissances à des opérateurs ». Bien évidemment, ce type de formation à distance accroît l’autonomie, démocratise l’expertise et est bien adapté à l’ère de la pandémie.
Réduire les inégalités
Comme le souligne le rapport Work of the Future, les progrès récents de la technologie ont largement profité aux travailleurs aux revenus les plus élevés, à la différence de ceux qui gagnent moins. Ces écarts doivent être comblés. Pour cela, le PDG de Microsoft propose quelques pistes :
Assurer l’accès à la technologie. « Bien que tout le monde aime parler de percées technologiques, il faut s’assurer que toutes les personnes ont accès à ces avancées et peuvent en bénéficier » a déclaré Satya Nadella – comme s’assurer que les habitants des zones rurales ont accès au haut débit ou à des « devices » performants. Le « tissu informatique » sous-jacent qui permet l’intelligence artificielle est bien là, mais les accès doivent être au rendez-vous pour permettre de réaliser ces solutions. C’est aussi aux gouvernements d’investir suffisamment pour une couverture haut débit la plus complète possible.
Les compétences et la formation – qui mènent à des diplômes, puis à un emploi – sont également importantes. Nadella a indiqué qu’il examinait le graphique économique de LinkedIn afin d’obtenir des informations sur la main d’œuvre, et suivre en temps réel les tendances concernant les emplois du futur et les compétences requises. « Davantage d’entreprises devraient intégrer la formation dans les flux de travail quotidiens afin qu’au lieu d’envoyer des employés ailleurs pour suivre une formation, ils puissent obtenir une formation et des certifications dans le cadre de leur travail ». Cette combinaison d’accès, de compétences et de recherche d’emploi est au cœur des politiques de formation et de gestion des talents au sein des entreprises, surtout si elles veulent rendre leurs collaborateurs plus performants et les fidéliser. Pour ce faire, elles doivent bénéficier des dispositifs de formation professionnelles existant dans certains pays comme la France ou d’incitations fiscales, dans une logique moins étatiste et plus libérale.
Améliorer le travail à distance
Alors que plus de travail et d’éducation à distance ont toujours été envisagés au fur et à mesure des progrès technologiques, la crise du Covid-19 a accéléré la transition. Ces changements structurels vont durer, même si nous pensons que la présence physique sera toujours nécessaire.
Le travail à distance repose sur trois éléments clé :
La collaboration, en particulier entre les travailleurs de première ligne ou opérateurs/employés et les soi-disant travailleurs du savoir – à l’exemple du travailleur d’usine de l’Ohio formé grâce à la réalité virtuelle ou augmentée. « Une fois que vous avez établi la connexion, cela signifie que vous pouvez transcender l’espace », nous dit Satya Nadella.
L’apprentissage. « L’intégration de nouveaux employés et la création d’un capital social et de connaissances est difficile avec le travail à distance », nous précise Satya Nadella. Il est en effet du ressort des dirigeants d’aller au-delà de la formation pour créer du lien avec les employés en utilisant des outils et dispositifs numériques afin de remplacer les réunions fortuites au bureau et de le faire régulièrement.
Le bien-être. Des études montrent que la fatigue des réunions virtuelles est réelle. La productivité est garantie uniquement si les employés ont un sentiment de bien-être. Pour Satya Nadella, « le temps dans une économie de l’attention est un produit rare. Comment pouvons-nous prendre ces pauses pour les transitions ? Comment se recharger ? ».
Ces dernières années, il était de bon ton de répéter que les données étaient le nouveau pétrole. Toutefois, savoir les traiter et les analyser reste une tâche complexe.
Pour Satya Nadella, « le nouveau pétrole, c’est plutôt l’attention » qui se raréfie du fait de sollicitations permanentes. Tout ceci peut déstabiliser notre travail quotidien et surtout notre productivité. Réfléchir à la manière dont nous nous concentrons fait partie des enjeux du futur du travail !
*Témoignage publié sur le site de la célèbre école de management du MIT
Pierre Maurin est Senior Partner Alhambra International et Directeur Exécutif Skilfi.