Le futur du travail s’accélère avec l’arrivée soudaine et imprévue de cette crise sanitaire. Parmi les facteurs les plus importants, nous avons noté le développement du télétravail et la nécessité de renforcer ses compétences, dans un univers où l’automatisation des tâches sera de plus en plus forte.
Avant la crise sanitaire, le télétravail existait, mais il se développait différemment selon les pays, les secteurs, les professions et les entreprises.
En Europe, les pays du Nord et du centre de l’Europe le pratiquent depuis longtemps, il est intégré dans les usages. Il est fréquent que la plupart des collaborateurs dans des activités tertiaires travaillent de chez eux soit une, soit deux journées et soient présents les autres jours au bureau.
La crise sanitaire a donc accéléré la transition des travailleurs de bureau vers le télétravail.
En quelques jours, nous avons eu dans les activités tertiaires jusqu’à 90% de télétravailleurs, selon une étude effectué par Mc KINSEY au printemps 2020.
Quel avenir pour le télétravail ?
Le recours généralisé au travail pourrait-il devenir la norme de l’environnement professionnel futur ? Le débat n’est pas tranché : on observe que certaines sociétés notamment dans l’univers du digital, comme Facebook ou SAP, en particulier en Allemagne, continuent de pratiquer le télétravail durant la quasi-totalité du temps au moins jusqu’au début de l’année 2021. Mais, nous parions plutôt sur le développement d’un modèle mixte combinant présence au bureau et télétravail.
Le lien entre productivité et télétravail n’est pas tranché aujourd’hui de manière claire. Selon Julia de Funes, citant une étude de l’institut Pettersen, « les gens seraient plus efficaces en télétravail, ils se dispersent moins, sont plus concentrées et la comédie humaine qui existe parfois dans les bureaux est très atténuée ». Il convient de contrebalancer cette efficacité par certains risques, en particulier l’isolement, le manque d’innovation et les inégalités sociales, notamment en matière de logement qui peuvent avoir un impact sur la productivité.
Le facteur clé de succès repose avant tout sur la confiance entre le télétravailleur et son management, cette confiance est essentielle dans l’accès à l’autonomie ; cela suppose une part d’incertitude et de difficultés accrues en matière de contrôle.
Selon l’OCDE, le télétravail devrait rester un choix et éviter d’être utilisé trop fréquemment afin de favoriser le bien-être des salariés. La question se pose aujourd’hui sur le fait de savoir s’il doit être davantage encadré par la loi.
Vers un accord national interprofessionnel sur le télétravail
L’Allemagne s’oriente vers cette hypothèse, la France s’engage dans un premier temps sur la voie d’un accord national interprofessionnel, avec des partenaires sociaux (Medef et syndicats) qui auront pour objectif de rappeler les grands principes généraux du droit et de garantir les conditions de réussite du télétravail dans les entreprises.
Seront notamment abordés l’organisation matérielle du télétravail avec la prise en charge des frais par l’employeur, la protection des données, mais aussi l’organisation du temps de travail.
Au final, les avantages du télétravail sont réels y compris dans la productivité et l’innovation si les managers s’impliquent dans la diffusion des bonnes pratiques managériales, le renforcement des compétences en matière d’autonomie et la maitrise de la technologie, incluant un aménagement adapté des bureaux à domicile, une sécurité renforcée pour ses PC/Smartphones et autres tablettes et un accès haut débit.
Automatisation et nécessité de « reskilling »
La quatrième révolution industrielle est caractérisée par la révolution numérique née au 20ème siècle s’accélère, avec des changements profonds sur les métiers de demain, et notamment l’automatisation des tâches permise notamment par l’intelligence artificielle.
Dans sa dernière étude sur le sujet, McKinsey estime que « 60% des métiers verront 30% à 40% de leurs tâches quotidiennes automatisées d’ici 2030 ».
Le changement pourrait s’accélérer au cours des prochaines années, avec plus de 375 millions de travailleurs (soit 14% de la population active à travers le monde) qui pourraient être amenés à changer de métier d’ici 2030.
Les sociétés sont-elles préparées à cette transformation profonde des métiers ? Toujours selon McKinsey, « seuls 28% des managers considèrent que des actions efficaces sont menées pour résoudre le problème »
L’enjeu ne sera pas de remplacer ses collaborateurs devenus moins performants par d’autres, mais plutôt de les conserver et de les accompagner dans l’acquisition de nouvelles compétences. Le capital humain est devenu le principal facteur de compétitivité des entreprises, il importe donc d’évaluer ses collaborateurs et d’anticiper avec eux ces évolutions en comblant au plus vite le décalage en matière de compétences.
Digital learning associé au coaching
Les solutions existent aujourd’hui pour faciliter l’amélioration continue de ses collaborateurs, avec les nombreuses plateformes de digital learning existantes sur le marché ainsi que les formations classiques ou un mix des deux, qui sera probablement l’avenir de la formation. Ces formations seront couplées à du coaching, afin d’être très connectées aux enjeux business de son organisation et de coller aux objectifs d’employabilité.
Les projets de formations lancées par les grandes entreprises se multiplient : c’est le cas d’entreprises mondiales comme Amazon, JP Morgan Chase ou Walmart qui ont lancé des projets de plusieurs centaines de millions de dollars pour développer les compétences les plus demandées par les collaborateurs. Certaines sociétés créent également leurs propres instituts de formations comme Orange, Axa, Veolia, Accor, Safran ou Airbus…
Des états, comme la France en Europe, ou Singapour en Asie dans le cadre de son programme SkillsFuture, ont mis en place dans leurs plans de relance d’ambitieux volets « compétences » en facilitant la formation des salariés en activité partielle, des demandeurs d’emploi et des jeunes (prioritairement vers les secteurs d’avenir), dans une logique d’employabilité et de reconversion.
Ces nouvelles compétences s’accompagneront des « soft skills » nécessaires pour développer son intelligence émotionnelle et sociale.
Hausse du travail indépendant et multi-employeurs ?
Pour l’instant, nous n’avons pas suffisamment de visibilité sur une possible recrudescence du travail indépendant et multi-employeurs.
Les pays de plein emploi ont fait le choix du salariat la plupart du temps, avec un travail indépendant souvent limité à des fonctions d’expertise, les salariés étant mieux couverts en général en matière de protection sociale.
Mais le développement du travail indépendant pourrait être une des solutions de sortie de crise avec des employeurs qui pourraient s’engager sur cette voie en comblant des besoins d’emplois spécifiques très rapidement et de manière flexible.
Ces deux sujets sur le télétravail et l’évolution des métiers, dans un contexte d’automatisation et de « reskilling » existaient déjà avant le Covid mais ils deviennent des enjeux majeurs en matière d’engagement, de fidélisation du capital humain et de compétitivité pour les entreprises et leurs DRH.
Pierre Maurin est Senior Partner Alhambra International et Directeur Exécutif Skilfi.